LES NATURALISTES PARISIENS

Chers amis et Collègues,

Au cours de l'année 2005 nous avons effectué 44 excursions et une visite, tenu trois conférences et deux séances de présentations libres, soit, au total, plus de 50 journées d'activité. Je vais, aujourd'hui, m'attacher à évoquer, selon les diverses disciplines, les moments les plus marquants de ce riche programme.

Cette manière de faire n'est pas sans rappeler l'esprit des savants du XIXe siècle dont l'un des plus éminents nous sera présenté à l'issue de la présente Assemblée Générale.

Quant aux Sciences de la Terre - géologie, hydrologie, géomorphologie et géographie physique - nous mentionnerons en premier lieu deux conférences qui nous ont utilement dépaysés. Mr.SAGON, le 16 janvier, a traité des aspects géologiques majeurs de l'Atlas marocain. Il sut compléter ce bel exposé , à la séance de présentation d'objets, par la démonstration d'échantillons minéralogiques récoltés in situ . Le 30 janvier, Mlle SANTARELLI nous a transportés plus loin encore, en Nouvelle Calédonie, territoire qui ne se comprend qu'en fonction de sa genèse, liée à la tectonique des plaques. Notre collègue a bien mis en évidence les aspects particuliers de ce morceau de plancher océanique, dont l'économie et le mode de vie dépendent de l'exploitation minière.

A notre porte cependant, la belle diversité du sous-sol du Bassin de Paris nous offre maintes occasions d'investigations d'intérêt non moins fondamental. Ainsi Mr GASTOU, le 13 février, nous a montré l'exploitation du Lutétien à Conflans-Ste-Honorine. Le 27 février, Mme FRANJOU,dans une excursion de grande qualité relative à l'oligocène, a justifié l'intérêt patrimonial et didactique de la protection des stratotypes du Stampien dans le secteur de Fontainebleau.

Le 3 juillet, dans la carrière de Vigny, site de conservation du Dano-Montien, récemment pris en charge par l'Institut Albert de Lapparent, Mme CORNEE, secondée par Mr GASTOU, a bien souligné l'importance des initiatives de sauvegarde des lieux de mémoire géologique. Un autre aspects des passages du Secondaire au Tertiaire nous a été enseigné par Mr JOLY, le 2 octobre, à Pacy-sur-Eure, où l'on voit la transgression discordante du Lutétien sur la craie.

Le voyage d'étude de la Pentecôte en Normandie, sous la direction de Mle CHESNOY, Mr BOIVIN et moi-même, nous a valu de remonter l'échelle stratigraphique, de la craie jusqu'au Paléozoique, en passant par le Jurassique. Avec le précieux concours de Mr PERREAU, nous vous avons montré de spectaculaires glissements de terrain à Villerville, la belle falaise des Vaches Noires à Villers-sur-mer, de nombreux fossiles dans les calcaires oxfordiens, avant de toucher du doigt le contact entre le Lias et le Cambrien dans l'impressionnante carrière de Laize-la Ville.

Les paysages actuels, nés des formes du relief, sont l'objet de notre part d’une constante attention. Rappelons-nous, par exemple, l'énigmatique méandre de Cergy-Pontoise étudié par Mr KONRAT le 9 janvier. De même la position des buttes stampiennes comme celle vue, le 28 août, à Richebourg, ou encore l'intrication des rivières et des canaux qu'ont démêlée pour nous Mr et Mme PEDOTTI, le 13 octobre aux environs d'Esbly; et enfin le ru des Godets consciencieusement étudié par Mr FAUVARQUE. Dans tous ces cas était mise en oeuvre la même volonté d'expliquer des lieux démonstratifs d'un savoir indispensable à chacun.

La Botanique est le domaine le plus familier à la plupart de nos adhérents en raison du caractère très concret des observations qu'elle permet. Messieurs TASSET et BONNEL nous ont proposé deux excursions printanières ; la première dans le bois de Vincennes, le 13 mars, où nous avons pu admirer la belle station de Scilla bifolia, chère à Louis BERÉIER; la deuxième dans la vallée de l'Yvette agrémentée de Lathrea. clandestina et de Tulipa sylvestris. Le 9 octobre, à Carnelle, d’où nous retiendrons Cardamine impatiens, nos deux collègues nous encore donné un bel exemple de leur savoir-faire. C'est dans le milieu champêtre des paysages Sénonais, aux courbes crayeuses si caractéristiques, que Mr BOIVIN nous a montré, à Pont-surYonne, Avena pratensis, Adonis annua et Legousia speculum veneris.

La rare fougère Oreopteris limbosperma fut découverte cette année dans deux stations nouvelles, l'une dans la forêt de Ferrières, le 7 août, par Mr TASSET et l'autre, le 10 octobre en forêt de Marly, par Messieurs DUPUIS et BOIVIN. Nous avions déjà été alertés sur cette espèce lors de notre voyage d'étude en Normandie.

A Mr LE RUYET revient le mérite d'avoir participé à la direction de plus de dix excursions. Ainsi, accompagnant Mr BONNEL en forêt de Hez, il nous a montré Lithospermum purpureo-caeruleum, Hypericum androsemum et autres richesses de la chênaie-charmaie printanière. A Rougeau, le 17 juillet, ces deux collègues ont assisté à la découverte d'une importante station de Pulicarla vulgaris par Mr KONRAT. Cette riche journée était agrémentée de Radiola linoides, Teucrium scordium et Scirpus setaceus. Le 25 septembre, au Perray, nous les avons suivis afin d'observer Stellaria glauca et Mentha puligium.

Le marais de Stors d'un côté, le canal du Loing de l'autre, recèlent bon nombre d'espèces intéressantes indiquées par Mr FICHET à l'occasion d'herborisations estivales; Impatiens capensis, Lepidium graminifollum, Hyoscyamus niger, y furent, entre autres, remarquées.

Orobanche - ou Phelipea - laevis a marqué l'excursion de Boutigny-sur-Essonne, le 26 juin, sous la direction de Mr et Mme PEDOTTI. A cette grande rareté, parasite d'Artemisla cam-oestris, il faut ajouter tout un cortège de plantes peu courantes telles que Andropogon hischaemum, Tragus racemosus et bien d'autres.

Dans la forêt de Sénart, le 10 juillet, sous la direction de notre Président, nous avons pu examiner Potentilla splendens, Genista anglica et les beaux peuplements d'Erica scoparla et de Physocarpus opulifolia.

Les buttes stampiennes de la Goële, isolées dans la plaine de France au point de nous paraître inaccessibles, exercèrent néanmoins sur Messieurs TASSET et LE RUYET un attrait dont ils ont été récompensés par la présence de Liizula sylvestre Epi.lobilim rogeum et Osmunda regalls.

Pour terminer cette évocation de plantes remarquables, je citerai encore la présentation très appréciée, le 2 octobre, par Mr JOLY des incomparables coteaux de l'Eure avec Koeleria vallesiana, Scorzonera austriaca, Ranunculus serpens, auxquelles s'ajoute Aster linosyris, si merveilleuse en cette saison tardive. La contribution de Melle CHESNOY et de Mr CHABRIER à la Ferté-Milon, avec Chrisosplenium oppositifoliumet Cynoglossum germanicum; ou encore celle de Mr BONIN sur les bords de l'Oise avec Petasites officinalis et Carex pallescens.

Les plantes cultivées ne nous sont nullement étrangères. Atriplex hortensis aux curieux fruits dimorphes longuement étudiés à Condé-Ste-Liblaire suffit à démontrer qu'il n'existe pas d'échappée de jardin qui ne soit fréquentable. Il en va de même de la dendrologie, naturelle ou ornementale. Songeons aux If-Chapelles de la Haye-du-Routeau, ou encore au majestueux Sorbus domestica du Perray, salué au vu de son houppier. Rappelons-nous la visite du parc de la Faculté d'Orsay dans lequel Mr BOCK, le 24 avril, a basé son bel exposé pédagogique sur la biologie des arbres et arbustes. N'omettons point la visite, le 4 septembre, avec Melle CHESNOY et MM. SORNICLE et CHABRIER, de l'arboretum des Barres, où nous avons discerné le Pin Napoléon, Pinus bungeana, à l'écorce de camouflage, Pinus rigida et Tillia heliryl, individu à l'origine des tilleuls Henri plantés en France, le tout paré d'une puissante floraison de cyclamens de Naples, qu'on aurait pu qualifier de printanière. Notons enfin que, devant les vénérables châtaigniers des plants de Marly, ou qu'au vu du cidre qui a remplacé celui de JUSSIEU à Noisy-le-Roi, les Naturalistes ont pu utilement mesurer la fragilité des monuments de la nature.

La Bryologie nous a valu le concours de Melle AICARDI, sans qui bon nombre de raretés ne seraient pas signalées, et celui de Mr ARLUISON, scrutateur inlassable du massif de Fontainebleau. A Portonville, le 3 avril, sur les poudingues de Nemours, nous vous avons montré Weisia controversa variété crispa, et sans doute la plus importante station de Pterogonium gracile en Ile-de-France. Bien que nous n'ayons pas retrouvé Bartramia stricta, observée quelques mois auparavant, Tortella nitida l'a avantageusement remplacée, témoignant ainsi de l'inépuisable trésor de ce secteur. Le 4 décembre, à Apremont, nous avons trouvé Anastrophyllum hellerianum, Antitrichla curtipendula et probablement la plus grande station de Ptilidium ciliare de la Région Parisienne.

Deux excursions consacrées à la Lichénologie attestent de l'intérêt croissant que nous portons à cette discipline. Au cours de ces excursions, Mme GUILLOUX, MM. CARLIER et KONRAT nous ont montré Schismatoma cretaceum, Pyrrhospora carnea et ormandina pulchella.

Malgré la sécheresse de l'année, les mycologues se sont donné beaucoup de peine en nous programmant près d'une dizaine d'excursions. Mr CHABRIER peut se féliciter d'avoir été sept fois notre mentor et Melle CHESNOY se prévaloir d'en avoir été, dans bien des cas, l'instigatrice. Tous deux, en ces circonstances, chacun à leur manière, ont été d'excellents enseignants.

Mr BONIN peut se réjouir de sa contribution régulière à l'exposition de l’ANVL. MM. MERAL et PERES, enfin, ont droit à toute notre reconnaissance en tant que correspondants assurés et permanents au sein de cette association avec laquelle nous entretenons une complicité bientôt séculaire.

Grâce à l'ornithologie, intéressante en période hivernale, nos sociétaires prolongent, tard en saison, l'observation du monde animal. M. LASOTA à St Quentin-en-Yvelines et M. DEMEULANDRE à Cergy-Pontoise ont bien saisi cette complémentarité des disciplines.

L'Entomologie connaît un regain d'intérêt au sein de l'association. Cet été, à Sénart, la progression de Nezara viridula fut enregistrée. Cette curieuse punaise méridionale aux larves très colorées, reçut l'attention de tous, ainsi que Cameraria orhidella, la chenille mineuse du marronnier d'Inde, savamment commentée sur les bords de Seine.

Il nous arrive, au cours de nos préparations, d'avoir d'heureuses surprises et l'inattendu ajoute alors à l'intérêt d'un circuit, comme à Richebourg où la botanique a cédé le pas à une visite zootechnique. La poule de Houdan, au plumage camaïeu, aux doigts remarquables, à la huppe royale, nous a été présentée par M.LEFEBVRE, éleveur aussi averti qu'accueillant. Son initiative concernant le renouveau d'une race autrefois de choix royal, est un bel exemple de la sauvegarde de la diversité génétique qui s'impose, aussi bien au niveau des espèces sauvages que des races domestiques.

Les rendez-vous avec l'Histoire ont été nombreux. A commencer par deux excursions parisiennes congues par MM. DUPUIS et PERDEREAU, durant lesquelles l'accent a été mis sur l'importance du 5e arrondissement, en tant que foyer intellectuel et savant de la capitale et, dans certains cas, du monde. Notre regretté collègue et ami, Monsieur PERDEREAU, avait été, en outre, au printemps, un initiateur d'une rare qualité, à Courson, résidence de GUILLAUME de LAMOIGNON, puis au musée de CHATEAUBRIAND dans la Vallée-aux-Loups.Nos visites de la ville et du Musée Antoine BOUDIN à Honfleur, ont été une excellente approche de la Côte Fleurie. Elles se sont prolongées à Rouen par un parcours de la ville étudié par Mr BOIVIN et qui fut le point d'orgue de notre voyage annuel.

Il est de mon devoir, avant de conclure, d'insister sur la nécessité, non seulement de s'appliquer à recruter de nouveaux membres, mais également d'activer les compétences de chacun, afin de contribuer au bon fonctionnement de l'Association comme le font, par exemple, Melle LAURENT et les membres du Conseil. Enfin il serait bon de tisser des liens plus étroits avec différentes associations, comme nous le faisons avec l'ANVL et la SMP; notre position géographique centrale nous en donne l'obligation.

Dans quelques instants, le Professeur Jean-Claude FISCHER nous entretiendra d'Alcide d'ORBIGNY, naturaliste complet, comme nous l'avait fait Mr DROUIN, lors de l'Assemblée Générale précédente, en nous parlant de DE CANDOLLF. Depuis l'époque de ces savants, la réflexion scientifique s'est enrichie de connaissances mais aussi d'abstractions. Nous sommes passés de la paléontologie de terrain et de la description à la modélisation tectonique, de l'herborisation et de l'observation zoologique aux interprétations écologiques et phylogénétiques. Ne nous y trompons pas cependant. Lors de notre récente visite de l'Aquarium de la Porte Dorée, j'ai été frappé par certains échanges de vues entre notre collègue Mr Frangois MEUNIER et notre Président Mr DUPUIS concernant entre autres les écailles des Ostéoglossidés, poissons reliques du Gondwana, les arcs branchiaux de Sélaciens, etc … toutes questions fondamentales, aujourd'hui encore, d'Anatomie comparée. Ces discussions démontraient parfaitement à la fois la continuité et la permanence des options majeures de l'Histoire Naturelle classique et la complémentarité réelle de toutes ses facettes descriptives et explicatives. Il y a là , autour de la diversité des objets et des phénomènes de la nature une unité d'ambitions et d'esprit dont chaque naturaliste doit se pénétrer pour profiter au mieux de ce qu'il voit, de ce qu'il entend, de ce qu'il lit.

Je vous remercie, chers Collègues et Amis, de m'avoir attentivement suivi, comme je remercie notre Président et Melle LAURENT pour l'aide qu'ils m'ont apportée dans la préparation de ce rapport.