LES NATURALISTES PARISIENS

Chers collègues et amis

          Au cours de l’année 2010 nous avons effectué 42 excursions dont un voyage de deux jours. Nous avons aussi réalisé une visite, entendu trois conférences, tenu une séance de démonstration, et une séance de présentation d’objets. Ceci représente au total 49 journées d’activités.

       Cette fréquence, maintenue depuis des années, n’est pas une routine, car elle s’accompagne d’une évolution de la diversité, tant des thèmes abordés, que des secteurs parcourus. Bien que la botanique demeure notre centre d’intérêt principal, de nombreuses excursions se sont enrichies de projets divers, soulignant les liens existants entre toutes les composantes de la nature, et leurs relations avec l’homme. Un équilibre géographique plus réfléchi de nos excursions, nous a permis une fréquentation améliorée des secteurs moins méridionaux de la Région Parisienne. Reste que la botanique représente près de 40% de nos activités, et que les stations thermophiles latéméditerranéennes, sont d’une richesse qui justifie amplement l’intérêt particulier que nous leur portons.

      Une excellente reprise d’activités pour la botanique fondamentale, avec son précieux volet éducatif, fut marquée par Christian BOCK le 11 avril à Orsay. L’étude des arbres et de leurs fleurs, comportait un double aspect morpho-anatomique et systématique.

      Fontainebleau est, si l’on peut dire, l’épicentre de nos  investigations botaniques. C’est ce que nous ont montré MM. DOUAULT et TASSET le 4 juillet, dans le cadre somptueux du parc du domaine, avec au début même de leur excursion, l’observation de deux plantes rares : l’ail Rocambole, Allium scorodoprasum et Epipactis palustris. Une grande diversité de Carex y fut observée, tels Carex tomentosa, Carex distans et Carex panicea. Ajoutons également Carex liparocarpos et Carex depauperata, qui complétèrent l’inventaire de cette belle journée.               

     Le 29 août à Moret-sur-Loing, M.TASSET nous a présenté dans plusieurs stations, une plante « oubliée » de la flore de l’IIe de France :Odontites jaubertiana ssp jaubertiana. Longtemps observée autrefois dans les stations du secteur par COSSON et GERMAIN, JEANPERT et BONNIER, elle y était considérée comme éteinte. Le 19 septembre dans le secteur de La Boissière, notre ami nous a fait observer : Impatiens capensis, Hottonia palustris, Wolfia arrhiza et Potamogeton polygonifolius.

    A Boutigny-sur-Essonne le 16 mai, MM. LACOUR et DOUAULT, au gré d’un itinéraire bien étudié, nous ont fait observer Helianthemum apenninum, Anthericum ramosum et Limodorum abortivum.

      L’excursion du 9 mai dans la Forêt de Sénart, a rassemblé de nombreux participants, venus profiter des enseignements zoologiques et botaniques de M.et Mme PEDOTTI. Agrostis gigantea, Eriophorum angustifolium et Pilularia globulifera y furent observés. La découverte d’une remarquable station de Ranunculus aquatilis en fleurs, termina cette très enrichissante journée, marquée par de nombreux échanges avec le Cercle des Naturalistes de Corbeil-Essonnes. A Auvers-St-Georges le 20 juin, ces mêmes collègues nous menèrent à la station historique de Seseli annuum  mentionnée par GUETTARD. Minuartia setacea et Andriala integrifolia enrichirent cette attachante journée. Le 17 octobre à Janville-sur-Juine, ils nous montrèrent également, dans un vallon gréseux adspecté au nord, Vaccinium myrtillus, vérifiant ainsi la pérennité de cette plante dans sa station la plus méridionale de l’Ile-de-France.

      Dans le Bois Gautier, au bord de la Seine le 21 mars, M.ARLUISON et moi-même avons découvert une station de la rare Hépatique Cololejeunea minutissima. Nous vous avons également conduit dans le Bois de La Commanderie le 6 juin. Cette journée fut marquée par une belle floraison de Vicia lutea, ainsi que par l’observation de Potentilla recta et de Lepidium draba.

     Toujours dans le secteur de Fontainebleau, le 18 avril MM.BRAUCHE et MERAL nous ont montré Scilla bifolia.

      C’est toujours avec satisfaction que nous revisitons la lande des Uzelles à Sénart. Ainsi,  le 8 août M. BONIN y reconnut Erica scoparia, Genista anglica et une sorte de Spirée, d’introduction ancienne, Physocarpus opulifolia. Deux semaines plus tard, Mme PERDEREAU et à nouveau notre ami BONIN, nous ont conduit en Forêt de Montmorency, jusqu’à la sépulture familiale  du naturaliste BOSC, et nous avons observé, Osmunda regalis, Lysimachia nemorum et Cardamine impatiens.

     Le 12 septembre M. DEMAZIERE et Mlle LE BERRE ont tenu à nous présenter l’intérêt floristique du marais de Bourneville, et la nécessité de sa protection. Ils se sont appliqués à nous faire admirer Aconitum napellus ssp lusitanicum, Cladium mariscus, Hydrocharis morsus-ranae, Hippuris vulgaris, Mimulus guttatus et Potamogeton coloratus. Cette abondance de plantes encore fleuries, à la fin de l’été en milieu aquatique, doit être soulignée.

      Dans la Forêt des Quatre Piliers, soigneusement inspectée par M. BOIVIN, je vous ai montré le 3 octobre :Maianthemum bifolium, Erica tetralix, Sison amomum et un bel exemplaire du champignon Boletus persoonii.

      Aux confins de la France, la tourbière de Frasne, d’accès simple et rapide par le TGV, apporte comme bénéfice et récompense une luxuriante flore. Swertia perennis, Thysselium palustre, Laserpitium pruthenicum, et 4 espèces de Vaccinium, ne sont qu’un succinct aperçu de ce que nous ont montré MM. BONNEL et LE RUYET le 5 septembre.

      La botanique a été complétée par deux excursions utilement classiques. Celle du 7 mars à Fontainebleau, dirigée par M.CARLIER, Mme GUILLOUX et Jean Paul KONRAT, au cours de laquelle ils ont expertisé de nombreux lichens, dont Gyalecta jenensis.  Puis celle du 18 juillet à l’arboretum du Breuil, conduite par MM. SOUESME et LE RUYET, où nous avons observé de nombreux conifères, dont le Sapin Parasol Sciadopitys verticillata.

      Avant de revenir dans la Région Parisienne pour une synthèse mycologique, il est juste de s’attarder sur notre voyage en Limagne et Berry. M. SORNICLE et Mlle CHESNOY se sont donné beaucoup de mal les 25 et 26 septembre, afin de nous programmer une excursion annuelle de deux jours. L’étude d’un causse oligocène berrichon, la richesse botanique des rives de l’Allier, furent complétés par une captivante visite de la vieille ville de Moulins, et du très intéressant arboretum d’Aglaé ADANSON à Balaine.

         Durant cette année, de nombreuses excursions très suivies ont été dirigées par notre belle équipe de mycologues, M. CHABRIER, M.LAURON, et Mme TANASKOVIC. Tous trois, avec leur sens du terrain et leurs exigences de détermination, ont donné à nos excursions un indispensable éclairage scientifique qui mérite d’être salué. Ainsi avons-nous observé au cours de quatre de leurs excursions bon nombre d’espèces remarquables, comme Hypoxylon cercidicola sur Fraxinus excelsior et Psathyrella vernalis à St-Germain-en-Laye le 4 avril, Cucurbitaria berberidis le 2 mai à Chantilly, Melanophyllum haematospermum le 10 octobre à Montmorency, ou encore Creolophus cirrhatus et Scleroderma bovista le 24 octobre dans la Forêt de Montceaux. Lentaria mucida, Gloeophyllum odoratum et Russula integra à Frasne, Cyathus olla, Cortinarius anserinus, Cortinarius suillus et Bolbitius coprophilus à Janville le 17 octobre. Dans le Bois de Claye le 6 novembre, Mme TANASKOVIC nous montra le rare Ascomycète Holwaya mucida, et divers parasites de nos plantes communes comme par exemple Uromyces trifolii sur Trifolium pratense, Uromyces galegae sur Galega officinalis, et Puccina iridis sur Iris foetidissima. Notons ce jour-là, la présence de Reseda alba. Enfin l’étude des spores de Pezicula eucrita prospérant sur Pinus sylvestris  le 28 novembre à Fontainebleau, illustrait le rôle capital que joue l’étude microscopique dans les investigations et inventaires fongiques. Ce que notre amie nous avait déjà prouvé le 20 février dans sa démonstration des micromycètes. A cette séance s’était associé M.PLUCHON, pour traiter de ce qui sépare les champignons des plantes.

         En ce qui concerne la géologie, deux excursions ont marqué l’année. Celle du 28 mars, à l’initiative de M.BONNEL, avec la collaboration de Mme COLPIN, s’est déroulée dans le Valois. Une passionnante visite du Puits à Daubin, commentée par M.LAUNAY, nous a instruits sur l’exploitation de la carrière lutétienne d’Emeville, et les techniques d’extraction qu’on y emploie. La visite de son musée de l’outillage démontre bien la créativité du savoir-faire.

      Le 21 novembre nous avons examiné les karstifications du Plateau de Brie, en Forêt de Barbeau. Ceci nous a conduits à analyser de nombreuses mares, dolines, gouffres et sources. Tous ces aspects géomorphologiques du calcaire Sannoisien, sont autant d’éléments qui donnent à chacun les moyens de saisir une structure majeure du Bassin de Paris. Tout le mérite en revient à Médard THIRY, sans qui ces phénomènes nous seraient à bien des égards étrangers.

      Les excursions à caractère historiques représentent près du cinquième des thèmes abordés. La première de l’année eut lieu à Paris le 9 janvier sous la direction de Mme PEDOTTI et M.DUPUIS. L’examen de la Salpêtrière fut l’occasion d’évoquer de grands médecins aux noms prestigieux, tel que PINEL,  Jean Martin CHARCOT, père du savant navigateur polaire Jean baptiste CHARCOT, et plus près de nous Joseph BABINSKI.

      La visite du Potager du Roi à Versailles le 25 avril, en compagnie de M.BENARD et de Mlle LE BERRE, donna lieu a un exposé très documenté sur LA QUINTINIE. Au cours de cette passionnante journée Stellaria pallida fut retrouvée.

       Le 1er août, guidés par Mme LAZARD, nous avons visité trois monuments : les ruines du château de Croissy près de Torcy, avec le concours de M.ROY, la ferme de l’Amirault, et le domaine de Ferrières. Dans l’Allée des Séquoias qui  conduit au château fleurissait Centaurium pulchellum, et dans les fossés Utricularia australis.

      Le 25 juillet, sous la houlette de Mme BEAUDOUIN, nous sommes partis en direction des Murs à Pêches de Montreuil. Avec la participation de M. LAUGIER, nous avons mesuré, tant dans le Bois de Vincennes que dans le Parc des Beaumonts, l’urgente nécessité de la préservation de la nature, au sein des grandes agglomérations.

      La visite de l’aquarium de la Porte Dorée le 11 décembre, conçue par M.MEUNIER, avait pour thème « Dans le sillage des requins ». Ce sujet, offrant un vaste champ de réflexions zoologiques et paléontologiques, permit à chacun de situer plus précisément la position des Chondrichtiens dans la phylogénie des vertébrés. Le tout fondé sur une étude comparative de qualité, à laquelle notre guide est profondément attaché.

            Trois conférences ont eu lieu cette année : celle de Mme HAMONOU le 17 janvier sur Claude AUBRIET et son art de représenter la botanique ; celle de Mme GOY le 7 février ayant trait à Jules VERNE, précurseur d’une Science pour tous, en un temps où l’instruction était le moteur du progrès ; celle de M.LUQUET le 14 mars, sur les motivations qui suscitent les passions entomologiques. De ces enseignements nous pouvons retenir qu’une convergence de regards différents et complémentaires sur la Science, constitue un moyen essentiel d’approfondissements des savoirs, idée hautement défendue par notre Président M. DUPUIS.

        Il me reste à remercier tous les membres du Conseil, pour la part qu’ils prennent au fonctionnement régulier de l’Association, en particulier Mlles Laurent et Chesnoy, et notre trésorier M. BONIN. Je me plais aussi à remercier MM. Pierre Loïc FAUVARQUE et Yvan BULTEL, pour le maintien de notre site Internet, et les divers compagnons qui assistent les conducteurs d’excursions dans leurs indispensables préparations.

         Pour clore ce bilan annuel, il convient de souligner que l’Association a vu fleurir différentes initiatives concernant la direction des excursions. La mycologie y a beaucoup contribué, l’histoire également. Les notions de pluridisciplinarité et d’interdisciplinarité ont pris tout leur sens, entre autres au cours de trois journées significatives.

       Tout d’abord le 13 mai à Longueville, avec Olivier DE CLARENS, soulignant les liens entre l’Histoire du Chemin de Fer et les sciences de la nature, botaniques et géologiques. On aimera se rappeler que le Comte Hyppolyte François JAUBERT, 1798-1874, à qui fut dédié Odontites jaubertiana, était botaniste, mécène,  Administrateur de la Compagnie d’Orléans, et un temps Ministre des Travaux Publics. De même Maurice COSSMANN, ingénieur de la Compagnie du Nord.

     Les rigoles de drainage du Plateau de Saclay, commandées par LOUIS XIV, afin d’alimenter Versailles en eaux, ont servi de fil conducteur à Mlle LE BERRE le 31 octobre. Elles sont un témoignage de la régularité clinométrique de la Haute Surface du Bassin de Paris. Là encore l’Histoire de la Terre et L’histoire des Hommes, se rejoignent dans une unité inscrite dans le plan de cette surface fondamentale.

      La relation intime qui existe entre les monuments de Paris et leurs matériaux de construction, si bien exposée par Mlle PERRET, avec le concours de Mme PEDOTTI et M. DUPUIS le 5 décembre, souligne toutes ces complémentarités, que l’on doit s’efforcer de mettre en valeur. Ceci indique les ressources inépuisables qu’offre l’étude de la Région Parisienne aux naturalistes qui la fréquentent, l’observent et l’analysent, avec la conviction profonde que le savoir se mérite au prix d’un travail quotidien approfondi.