LES NATURALISTES PARISIENS

Chers amis et collègues,

          Au cours de l'année 2011 nous avons effectué 43 excursions, dont un voyage de 4 jours, 2 visites, entendu 3 conférences, suivi une séance de communication et 2 séances de présentations libres. L'ensemble représente 53 journées d'activités, dont il est bon de souligner qu'elles ont reposé sur le dévouement d'une quarantaine de collègues.
Il résulte de ce bilan que notre principal centre d'intérêt reste toujours la botanique, devant l'histoire, la mycologie et la géologie. De ce fait notre secteur géographique de prédilection reste avant tout le sud du Bassin de Paris, avec cependant un utile rééquilibrage lié aux investigations mycologiques.

      Je commencerai ce rapport par la botanique, en vous la présentant tout simplement au fil des saisons.

     C'est avec Mme PERDEREAU et M. KONRAT que s'ouvrait le printemps, le 27 mars dans le bois de Baulme, où nous avons répertorié en leur compagnie Andropogon ischaemum, Minuartia setacea, Turitis glabra et Arabis alpina ssp caucasica.

     Les 5 excursions qui suivirent ont été le reflet de l'exubérance vernale de la flore. M. DOUAULT le 8 mai dans la Haute vallée de l'Essonne, nous a fait observer entre autres, Artemisia campestris, Silene conica, Ononis natrix, et parmi les galets de Saclas, Myosotis stricta et Erodium aethiopicum ssp villosum. La fin du trajet fut agrémentée par l'observation de la rare station d'Asarum europaeum, découverte en 1972 par Mme PEDOTTI.

     Ces merveilleux moments furent prolongés le 15 mai avec nos amis Loïc BENARD et René LE RUYET dans le Grand Parc de Versailles, où nous avons noté Potentilla supina et Lathyrus nissolia.

     Le 22 mai, Mme PERDEREAU et M. BOIVIN, dans le vallon de la Chalouette, ont noté une Labiée Teucrium botrys et une Scrofulariacée Veronica teucrium ssp vahlii, mais surtout ils ont retrouvé Actea spicata, naguère découverte par notre savant ami André Georges HAUDRICOURT. Cette dernière espèce nous fut aussi montrée par M.CHABRIER à Champagne-sur-Oise le 14 août.

     La forêt de Coye dans laquelle le 29 mai, MM. BONNEL et LE RUYET nous ont guidés, abrite nombre d'espèces dignes d'intérêt, comme par exemple Campanula persicaefolia, Digitalis lutea, et plusieurs stations de Melica nutans.

     Le 5 juin dans la vallée de l'Essonne, M. et Mme PEDOTTI nous ont montré un très beau peuplement de Ribes nigrum, ainsi que Ranunculus paludosus, Crassula vaillantii et Myosurus minimus.

     Durant notre séjour en Bretagne, 3 plantes remarquables méritèrent toute notre attention, Erythrea scilloïdes et Senecio helenitis observées par CHISTIAN BOCK sur le littoral trégorrois, Ononis reclinata trouvée par René LE RUYET..

      C'est avec un aimable souci de pédagogie théâtrale, annonçant la période estivale, que notre ami Jean Luc TASSET le 19 juin, mit pieds et mains dans le cours de l'Avre, afin de nous enseigner Oenanthe fluviatilis .

     Le 26 juin, nous nous sommes recueillis à la mémoire des combattants « moissonnés » au Marais de Saint Gond. La paisible histoire naturelle d'aujourd'hui, nous fut enseignée par Mlle CHESNOY, M.CHABRIER et Mme RIBEYRE, nous permettant d'observer la géomorphologie de ces lieux et de leur flore, avec Peucedanum palustre, Lathyrus palustris, Oenanthe lachenalii, Carex appropinquata et Dianthus superbus.

     L'excursion du Mée le 4 septembre, fut l'occasion pour MM. BONNEL et LE RUYET de nous présenter nombre d'espèces remarquables dont Laserpitium latifolium, Hypericum montanum, Lathyrus latifolius et Aster novae angliae.

     Deux excursions ont marqué la fin de l'été. Le 18 septembre, MM. ARLUISON et MERAL ont choisi la vallée du Loing afin de nous instruire sur Thelypteris palustris et Vallisneria spiralis . Notons-y la présence d'Erysimum odoratum , vu à la préparation.

     Le 2 octobre à Giverny, Mme TANASKOVIC et moi-même vous avons présenté une excursion à multiples facettes. Notre trajet, avec l'étude des pelouses xérophiles des coteaux crayeux, aboutit à l'examen d'un beau peuplement d'Aster linosyris, et à une étude du remarquable paysage du confluent de l'Epte et de la Seine. Ceci fut complété par la visite du « Musée des Impressionnismes », qui avait pour objet de nous faire apprécier les oeuvres de la collection Clarke.

     Déjà notre organisatrice, le 21 août à Auvers-sur-Oise, n'avait pas hésité à mettre à profit notre sensibilité artistique lors d'un parcours consacré à Van Gogh.

     L'automne moins favorable à la botanique, nous réserve cependant de fructueuses journées. Ainsi le 16 octobre à La Ferté-sous- Jouarre, en compagnie de Mme Pedotti, avons-nous pu observer Hypericum androsaemum, Lithospermum purpureocoeruleum, Phyteuma spicata et Corydalis lutea. Nous avons également saisi l'importance des meulières de Brie, dont la genèse a souvent donné lieu à maintes interprétations difficiles. Le cours de ce très intéressant itinéraire nous a conduits à la prestigieuse propriété familiale des Jussieu.

         Passant à d'autres aspects de notre interdisciplinarité, nous devons mettre l'accent sur la mycologie, dont trois dévoués représentants M. CHABRIER, M. LAURON et Mme TANASKOVIC ont animé une quinzaine d'excursions. N'omettons pas cependant que le 30 janvier, montant dans le bois de Meudon en compagnie de Mlle LE BERRE et Mme DHERBECOURT, nous avons observé Cyathus stercoreus.

     Le 1er mai en forêt de Chantilly ont été trouvés Neolentinus schaefferi et sur feuilles d'anémone sylvie, Septoria anemones et Tranzchelia fusca. Le 10 juillet à l'Arboretum des Barres prospérait Agaricus angustus, le 2 octobre à Giverny, Cucurbitaria laburnii sur Laburnum anagyroïdes, le 8 octobre à Boissy-St-Léger Erysiphe heraclei sur Anthriscus sylvestris. Ceci montre l'intérêt que nous devons porter au parasitisme des plantes supérieures par les champignons. Ce même jour, sous la direction de MM.MEUNIER et LAURON, nous avons effectué, pour la dernière fois sans doute, la visite des serres d'Orchidées Marcel Lecoufle, et déploré la disparition de ce patrimoine.

     Les deux dernières excursions mycologiques ont été riches en espèces. Dans le bois des Courtilleraies le 11 novembre, Stropharia inuncta, Tricholoma frondosa et Tricholoma cingulatum ont été répertoriés. Dans le bois de Vincennes le 4 décembre, deux espèces ont retenu toute notre attention, Lyophyllum connatum et Rugomyces persicolor.

        La bryologie nous apporta son lot de découvertes, comme par exemple à Fontaine-le-Port où Michel ARLUISON récolta le 3 avril sur les berges de la Seine Orthodiceras fontana . Le 27 novembre au Mont Aigu à Fontainebleau, avec le précieux concours de Jean GIRAUD, nous vous avons montré Anastrophyllum hellerianum , une spectaculaire station de Scapania gracilis , et Mme PEDOTTI nous fit observer Ptilidium ciliare .

     Notons qu'au cours de notre séjour dans le Trégor, la minuscule hépatique Cololejeunea minutissima nous a souvent accompagnés, et que nous avons eu le plaisir de saluer Hookeria lucens.

         La traditionnelle excursion lichénologique s'est déroulée à Poligny. Cette année notre équipe de lichénologues, Mme GUILLOUX, M.CARLIER et M.KONRAT, s'est enrichi des compétences de M.MERAL.

         La géologie, il est temps d'y venir, a commencé avec la très intéressante visite le 22 janvier de la Galerie de Minéralogie de l'Université Pierre et Marie CURIE, organisée par Mlle SANTARELLI et M.SAGON.

    Le 10 avril, à l'occasion de la visite historique de la ville de Houdan, M. BONIN nous a fait toucher du doigt un rare affleurement encore accessible en Ile-de-France, d'un falun Lutetien mentionné par CUVIER et BRONGNIART, dans leur « Description Géologique des Environs de Paris ».

     Avec M.THIRY le 20 novembre, nous avons porté toute notre attention sur les phénomènes karstiques affectant le calcaire de Champigny de la Butte de Montceau, lieu cher à notre regretté président Marcel BOURNERIAS. On a pu alors vérifier la relation intime qui existe, dans ce secteur, entre la végétation et son substrat, à travers un transect devenu quasi référentiel.

         L’Histoire reste un complément culturel incontournable pour tout naturaliste que tout intéresse, en tous lieux. L’excursion du 20 mars, sous la direction de Mlle LE BERRE et de M.BOIVIN, s’est déroulée à Robinson avec l’évocation des guinguettes du temps de MESSAGER.

     Dans une très agréable excursion estivale, le 31 juillet Mme LAZARD, après nous avoir conduits dans le parc du château de Champs-sur-Marne, nous fit visiter le petit musée de Chelles, illustrant l’industrie paléolithique qualifiée de Chelléen. M. FOLLET, ce jours-là nous a entretenu de l’aménagement des berges de la Marne, et nous a rappelé, qu’en matière de protection, même lorsqu’un site est classé, rien n’est définitivement gagné.

     Le 28 août, MM. BONIN et DE GUERRA, nous ont brossé 4 siècles d’histoire de Fontainebleau. Ceci dans un des lieux les plus prestigieux de la Région Parisienne.

     La mémorable visite du Musée des Vieux métiers, le 23 octobre à Bouray-sur-Juine, organisée par deux bénévoles très avertis et Mme PERDEREAU, nous a de nouveau persuadés du rôle fondamental des amateurs passionnés dans la conservation du patrimoine et des témoignages du passé.

     Ajoutons également la conviviale excursion du 3 juillet, organisée par Mme BEAUDOUIN et Mlle LE BERRE sur la Petite Ceinture de Paris, témoin d’une activité ferroviaire aujourd’hui disparue.

     L’excursion du 25 septembre à Etampes, élaborée par Mlle VERBECK et M.DOUAULT fut originale, car nous avons pu nous familiariser avec de nombreuses espèces d’araignées.

     La visite de l’herbier du Muséum national d’Histoire Naturelle le 10 décembre, termina l’année. Elle était organisée par MM. LEGUAY et TASSET, avec le concours de Mme PONCY et M.AYMONIN. Il faut saluer la spontanéité de leur démarche, consistant à nous ouvrir grandes les portes de ces prestigieuses collections.

     Des trois conférences qui ont eu lieu en 2011, on retiendra la diversité des sujets abordés. Dans sa remarquable intervention sur les expéditions polaires le 16 janvier, M.HUREAU nous a bien fait voir la force de caractère des scientifiques du grand froid, qui étudient les phénomènes physiques des derniers espaces vierges de la planète.

     La conférence de Mme GOY le 6 février, consacrée à HAECKEL et l’Art Nouveau a bien montré qu’il existe un Art issu de la science. Ce bel exposé préludait à l’excursion organisée par M. et Mme MEUNIER, qui s’est déroulée deux semaines plus tard dans le 16eme arrondissement de Paris.

     Notre assemblée générale du 6 mars devait se prévaloir d’un thème fondamentalement proche de nos préoccupations biologiques. M.VALLADE dans sa brillante conférence sur la découverte de la sexualité chez les végétaux, nous a brossé l’avancée historique de cet évènement, mais également nous a fait entrer dans le cheminement des mécanismes biologiques intimes. Avec tout au long de l’exposé le rappel des savants célèbres attachés à cette découverte.

     Il me reste à remercier tous ceux qui participent de près ou de loin au bon fonctionnement de notre association, à commencer par notre Président M.DUPUIS, notre vice-présidente Mme PEDOTTI, notre vice-président M.KONRAT, notre trésorier M.BONIN, Mlle LAURENT, MM. FAUVARQUE et BULTEL qui gèrent notre site Internet, et tous les membres du conseil. Ajoutons également tous ceux qui dans l’ombre aident à la préparation des excursions.

     Avant de conclure il me reste à vous parler de notre voyage d’étude de la Pentecôte qui, longuement préparé, avait pour dessein de vous présenter une des régions les plus singulières de la Bretagne, le Trégor. Réalisant un parfait équilibre entre la géologie et la botanique, de Morlaix à St Brieuc, Nicole SANTARELLI et Christian BOCK ont mis en évidence les traits les plus saillants de cette entité géographique.
Du viaduc, jeté sur le couloir tectonique carbonifère de Morlaix, nous avons bien saisi le lien entre la géomorphologie et l’histoire de cette belle ria qui sépare le Trégor du Léon.
Au Grand Rocher, que nous avons escaladé à travers sa forêt littorale, nous avons été récompensés par une observation sommitale grandeur nature, de la terminaison orientale du Petit Trégor. Assis sur les auréoles basiques briovériennes et sur le gabbro hercynien de St Jean-du-doigt, le Petit Trégor abrite les belles laves en coussins de Porz Mellec.
De la journée consacrée à l’étude du massif intrusif de Ploumanach’, il faut retenir l’image des venues granitiques concentriques, qui rythment le charme de la côte Trégastelloise. Nous avons traversé la fragile lande aérohaline, colorée par la première venue magmatique, dont la Côte de Granite Rose est issue. Elle se situe au carrefour géologique témoin de trois orogenèses successives: Icartienne, cadomienne, hercynienne. Nous avons également prospecté le marais d’arrière dune du Quelen sur les granites intermédiaires de Landrellec. Enfin, nous avons analysé le schorre de l’Ile Grande sur l’ultime plutonisme interne, dont résultent les leucogranites à cordiérite de la Maison des Oiseaux.
Du jardin de Kerdalo au Sillon de Talber, nos arrêts du lundi ont clos notre beau séjour, illustrant les inépuisables richesses naturelles de la région.
Ajoutons que la situation de notre gîte, le Castel Ste Anne, pratique et agréable, nous a permis de prolonger le soir nos journées d’étude, par des profitables observations littorales, avec entre autre, l’examen d’une remarquable population du turbellarié, Convoluta roscoffensis.
Sillonnant le Trégor, on ne pouvait traverser Tréguier sans évoquer Ernest RENAN, comme l’a justement fait notre président, en soulignant l’immense portée de sa pensée, de son temps au nôtre. La Science, qu’il ne faut pas confondre avec ce que l’on a appelé le Scientisme, était pour RENAN, une pratique aussi bien d’enquêtes objectives que d’émotions intellectuelles. Ces acquis et ces émotions que chacun peut trouver en lui-même, sont ce que s’efforcent de susciter les nombreuses et exceptionnelles excursions, que les Naturalistes Parisiens organisent tout au long de l’année. Elles font l’agrément, la qualité et le mérite de notre association.