LES NATURALISTES PARISIENS

Chers amis et collègues,

          Durant l’année 2013 nous avons effectué 41 excursions, dont un voyage de 3 jours, 3 visites, apprécié 3 conférences, participé à une séance de communications, et 2 séances de présentations libres. Soit au total 50 journées d’activités.
Même si la géologie, la mycologie ou l’histoire prennent une part croissante dans nos préoccupations, la botanique reste encore notre principal centre d’intérêts. Il est donc indiqué que je commence par cette discipline le compte-rendu qui s’impose.
Cette science des Rei herbariae, comme disait TOURNEFORT, nous a conduits à retrouver nombre de plantes peu courantes que nous n’avions pas observées ces dernières années. Au surplus le Centenaire de l’ANVL a déterminé pour six journées commémoratives notre choix d’excursions, en nous référant aux itinéraires d’origine. Une dizaine de ces parcours anciens, nous ont permis de comparer la flore d’aujourd’hui à celle des relevés du siècle écoulé.

      Le 2 juin M. et Mme PEDOTTI, après nous avoir instruits, à la Mare aux Fées, sur les processus de formation et de maintien des mares de platières, nous ont montré Callitriche hamulata, Apium inundatum et Myriophyllum alterniflorum. Ils ont ensuite guidé nos observations à travers la Malmontagne, avec un cortège de plantes calciphiles, telles que Scorzonera austriaca, Ranunculus gramineus, Hypochoeris maculata et Phyteuma tenerum.

     Le 30 juin MM. ARLUISON et MERAL nous ont entraînés sur les coteaux calcaires de St Mammes, et n’ont pas manqué de nous faire observer Helianthemum canum, Anthericum liliago, Stachys alpina, Trifolium medium, Koeleria pyramidata, et Ophrys fuciflora.

     Le 1er septembre à Grez-sur-Loing, MM. ARLUISON et GIRAUD nous ont montré Polygonum mite, Rumex patientia et Leonurus cardiaca. Nous y avons observé la remarquable araignée Eresus niger.

     M. TASSET le 15 septembre nous a conduit dans la Vallée du Loing, afin de faire voir Chondrilla juncea, Impatiens capensis, Impatiens glandulifera et Hydrocharis morsus-ranae.

     Dans cette même vallée, à La Genevraie, le 22 septembre, avec MM. ARLUISON et CARLIER, nous avons noté Odontites jaubertiana, Heliotropium europaeum et le rare Potamogetum lucens. Notre attention s’est également portée sur la curieuse chenille de Stauropus fagi, quelquefois appelée Chenille écureuil.

     Enfin le 20 octobre à Champagne-sur-Seine, en compagnie de MM. MERAL et CHABRIER, nous avons relevé Selinum carvifolia, Pedicularis sylvatica et Sedum cepae.

     Quelques excursions complémentaires sont à mentionner, comme par exemple celle du 13 octobre sous la direction de Jean Luc TASSET, qui nous a conduits au rare Corispermum declinatum, dans sa station montrée un demi-siècle auparavant par BOUBY. De nombreuses autres plantes se sont inscrites au palmarès, telles Allium flavum, Amarantus blitoïdes, Scilla autumnalis et Carex liparocarpos. Sur les pelouses du château de Fontainebleau, Euphrasia rostkoviana, considérée comme disparue en Ile-de-France, a clos cette fructueuse journée. De même, le 21 avril à Boutigny-sur-Essonne, avec Mmes PERDEREAU et GELIOT avions nous noté Tuberaria guttata, Sedum hirsutum et Veronica praecox.

     S’appuyant sur une iconographie géologique remarquable, Patrick PLUCHON et Liliane NEDELEC nous ont dirigés le 23 juin en Forêt de Montargis, dans laquelle nombre de plantes marquantes ont été enregistrées, Poa chaixii, Bromus benekenii, Senecio sylvaticus et Trifolium ochroleucum.

      Cependant notre champ d’étude ne se limite pas au Massif de Fontainebleau. La diversité régionale du Bassin de Paris nous incite à parcourir d’autres secteurs géographiques, comme le prouve la multiplicité des destinations que nos collègues se sont appliqués à nous proposer, en fonction de l’incidence du climat et des substrats sur la flore de notre région.

     En compagnie de nos collègues MM. LE RUYET, BONNEL et DOUAULT, nous avons parcouru des espaces forestiers adossés aux buttes Stampiennes les plus septentrionales du Bassin de Paris. Le 5 mai en Forêt d’Halatte nous avons observé Hypericum androsaemum et Polygala calcarea ; Le 18 août vers le ru de Presles Aconitum napellus et Epilobium roseum.

    Le 9 juin à Villers-Cotterets, après avoir été guidés par Mme CWERMAN et notre collègue Patrick MARTIN, dans cette ville célèbre par l’Edit de François 1er sur l’emploi du français, nous avons examiné attentivement la forêt attenante dite « froide ». Un itinéraire ordonné nous a conduits à la mémorable station de Maianthemum bifolium, en pleine floraison, station unique par son étendue dans notre région. Ajoutons-y également l’observation de Carex strigosa et Chrysosplenium oppositifolium.

     Dans l’est de l’Ile-de-France, trois excursions botaniques ont été l’occasion de revoir une flore remarquable des formations Briardes. Le 31 mars sur les coteaux de la Marne, M. BOIVIN et Mlle LE BERRE nous ont montré une belle station de Scilla bifolia. Dans la Vallée du Grand Morin notre diligente collègue et M. DOUAULT ont vérifié la pérennité de Lathraea squamaria et Anemone ranunculoïdes, ainsi que Corydalis alba sur les murs de Crecy-la-Chapelle. Avec MM. BONNEL et LE RUYET le 6 octobre à Armainvilliers, nous avons noté Senecio aquaticus et Euphorbia stricta.

     A l’ouest de Paris, les reliefs que nous avons parcourus ce printemps étaient amplement structurés par le Calcaire Lutétien. C’est dans ce contexte que le 24 mars, Mme REMAUD et M. POISSON nous ont présenté la carrière protégée de Limay. La journée s’est poursuivie sous la houlette M. TASSET, et nous avons noté Ononis natrix, Genista tinctoria, Helianthemum apenninum et Hornungia petraea.

     Le 26 mai notre ami nous a conduits à nouveau dans ces reliefs vallonnés du Mantois, afin de nous faire observer Scandix pecten-veneris, Lithospermum arvensis et Legousia hybrida.

     Mme TANASKOVIC et moi, à St-Martin-la-Garenne le 16 juin, face aux pinacles de craie, avons revu avec vous Trigonella monspeliaca et Tetragonolobus silicosus. Ce jour-là Jean-Luc TASSET a retrouvé le rare Taraxacum palustre, autrefois montré par notre président Marcel BOURNERIAS.

    Notre voyage d’étude de la Pentecôte s’est déroulé sur le littoral Picard sous la direction du professeur WATTEZ. A partir d’Etaples nous avons parcouru le marais de Villiers en compagnie de Philippe JULVE, et nous avons été heureux de découvrir une riche flore comprenant Pedicularis palustris, Eriophorum angustifolium, Menyanthes trifoliata et Ranunculus trichophyllus. L’étude de la réserve des dunes aura été le temps fort de cette excursion, avec l’observation de Pyrola rotondifolia var.dunensis, et surtout l’exceptionnelle station de Botrychium lunaria. La visite de l’impressionnant cimetière Britannique d’Etaples nous a rappelé les événements qui illustrèrent tragiquement ces lieux durant la Grande Guerre. La visite de la cité multiséculaire de Montreuil-sur-Mer compléta opportunément ce mémorable séjour.

     Proche de la botanique, l’étude des plantes cultivées nous a particulièrement intéressés cette année à travers cinq journées. Le 13 janvier au Jardin des Plantes, en compagnie de MM. BENARD et LE RUYET, nous avons ouvert l’année naturaliste. Le 14 juillet une excursion de remplacement improvisée par M. LE RUYET à l’Arboretum du Breuil, nous permit de faire une visite exceptionnelle des serres de cet établissement. Ce même collègue le 11 août à Port Royal, foyer du Jansénisme, nous a brossé l’Histoire de l’Horticulture. Nous avons également retrouvé notre collègue à Segrez le 29 septembre, en compagnie de Sabine BEUTIN pour une visite détaillée de l’arboretum, dans une propriété aussi accueillante que célèbre.

        La géologie générale et locale a été largement commentée tout au long de nos excursions. Il y eut cependant des journées entièrement consacrées à cette discipline majeure. La visite des collections minéralogiques de l’Ecole des Mines le 16 février, sous la conduite magistrale de M. SAGON a servi d’introduction à ce domaine parfois difficile à appréhender sur le terrain. Ainsi Mmes RIGADE et GELIOT se sont efforcées de souligner que, de la connaissance du substrat, dépendent la compréhension des paysages et la nature de la végétation. Ceci au cours des journées du 4 août à Mortcerf, du 18 août à Carnelle, et du 24 novembre à Lizy-sur-Ourcq.

     Le 9 septembre Médard THIRY nous a commenté les tufs calcaires de la Celle-sur-Seine, formation quaternaire exceptionnelle par sa richesse en mollusques, industries humaine du Mindel-Riss, et surtout en plantes telles que le figuier, le buis, l’érable sycomore, le saule cendré ou le laurier noble. La présentation de ce site classé fut longuement assortie des commentaires scientifiques dont notre collègue nous gratifie depuis des années.

     Quant à l’Histoire dans ses rapports avec la nature, elle se présente sous de multiples aspects, et la plupart de nos excursions en ont été imprégnées. En nous faisant visiter le Musée des Amis du Parc de Sevran, consacré aux poudres et explosifs, M. KONRAT le 27 janvier a bien mis en évidence les applications civiles de cette branche des Sciences et Techniques.

      Le 21 juillet à Ecouen notre dévoué collègue M. BONIN, nous a brossé l’Histoire de ces lieux et du télégraphe Chappe.

       Réalisant la conduite de sa septième excursion de l’année, le 27 octobre M. CHABRIER accompagna Mme TANASKOVIC afin d’organiser la visite de la jolie propriété de Louis ARAGON et Elsa TRIOLET à St Arnoult-en-Yvelines.

      Les deux dernières excursions de l’année concernaient l’Histoire. Tout d’abord le 7 décembre dans l’Ile St Louis, avec de nombreuses données sur l’architecture et sur les grands personnages qui y ont séjournés, Mmes MEUNIER et MIKATY nous ont savamment éclairés sur cet ancien et célèbre quartier de Paris.

      Puis le 15 décembre à Belleville, Mme BACHE et M. MONAQUE nous ont guidés à travers l’espace le plus élevé de Paris : jardins, paysages, sources, témoins de campagnes disparues, firent de cette journée l’agréable finale de l’année 2013.

         De nombreux enseignements mycologiques nous ont été prodigués en 2013 par nos collègues, MM. CHABRIER et LAURON, et Mme TANASKOVIC. Ainsi à Mennecy le 14 avril nous avons observé Conocybe brunnea, Datronia mollis et Entoloma saundersii. Le 12 mai dans le Massif des Alluets, Encoelia furfuracea et Peziza badio-confusa. Le 7 juillet à Rambouillet, Russula chloroflava, Russula insignis et Amanita porphyria. Le 17 novembre à Fontainebleau Ericium erinaceum, Pholiota flammans, Pleurota dryinus, Anthurus archeri et Boletus pulverulentus.

     Ajoutons que lors d’une reconnaissance de terrain, en Forêt de Fontainebleau au mois de février, Mme TANASKOVIC a récolté sur Pleurozium schreberi, un ascomycète qui n’aurait pas encore de nom. Cela démontre bien qu’il y a encore des choses nouvelles à découvrir à travers nos investigations franciliennes, voire dans ce cas, des espèces non décrites !

     L’année bryologique a également été d’une notable richesse. Michel ARLUISON, Jean GIRAUD et moi avons montré de nombreux bryophytes peu communs, à commencer par le rare Gymnostomum viridulum, examiné le 3 mars à St Mammès, découvert par notre ami ARLUISON. En Forêt de Fontainebleau le 10 novembre, nous avons observé Riccia warnstorfii, Anastrophyllum minutum, Cephalozia connivens, Cynodontium bruntonii et Tortula virescens. Sur le littoral Picard le 19 mai, nous avions noté la minuscule hépatique Cololejeunea minutissima.

     Le 17 mars à Nemours, nos constants directeurs lichénologues, Françoise GUILLOUX, Gabriel CARLIER et Jean Pierre MERAL, ont réalisé comme chaque année une très belle excursion, qui maintient opportunément un lien étroit entre nos Associations.

         En ce qui concerne l’entomologie M. DOUAULT et Mme BEAUDOUIN, nous ont fait observer nombres d’insectes tout au long de l’année écoulée. On doit souligner l’utilisation de moyens de transports locaux le 28 juillet à Saclas, comme une pratique indispensable d’accès à cette station entomologique réputée.

     Deux conférences ont été consacrées à la zoologie marine. Ceci à l’initiative de notre dévoué collègue François MEUNIER qui, le 3 février nous a entretenu de la migration des poissons. A travers ce passionnant exposé nous avons saisi combien ces animaux, en suivant fidèlement leur instinct, nous éclairent davantage sur l’histoire des continents et des océans.

     Mme AMAZIANE a bien montré, par l’imagerie dynamique le 24 février, la fonction de mobilité et le caractère vivant des Crinoïdes, redressant la représentation Paléontologique par trop statique, que nous avons de ces Echinodermes.

     Il faut noter que l’exposition Biolave du 2 novembre, à l’Aquarium de la Porte Dorée, nous plongea à nouveau dans le domaine de la biodiversité marine.

     C’est à travers les travaux de son père Léon AUFRERE, que notre conférencière Marie Françoise AUFRERE, le jour de notre Assemblée Générale, nous a brillamment retracé l’itinéraire du grand Archéologue Naturaliste du XIXème Siècle, Jacques BOUCHER de PERTHES, père de la Préhistoire, qui le premier établit scientifiquement l’existence de l’Homme paléolithique.

     Avant de conclure à l’aide de réflexions que m’ont inspirer deux excursions marquantes, il m’est aussi agréable que légitime de remercier notre président M. DUPUIS, Mme PEDOTTI, M. KONRAT, M. BONIN, Mlle CHESNOY, M. BULTEL, M.BONNEL, ainsi que tous ceux qui ont eu le souci constant du bon fonctionnement de l’Association.

     Durant la journée organisée par M. DE GUERRA le 28 avril, nous avons examiné le rare Sedum hirsutum sur le rebord du plateau gréseux surplombant la Vallée de l’Essonne, et dont l’accès fut agrémenté par la traversée de splendides tapis d’Endymion, la jacinthe des bois. L’accent du jour avait été mis sur trois niveaux d’Histoire. Tout d’abord l’Histoire Populaire, avec les écrits gravés dans les Grès Stampiens, d’une manière indestructible, par un certain Père La Musique au XIXème Siècle. Ensuite l’Histoire des Sciences avec le Signal de Malvoisine, site d’expérimentation des triangulations de l’Abbé PICARD au XVIIème Siècle, point de départ de la cartographie moderne de CASSINI. Enfin la Grande Histoire nous a condui au Château du Saussay. Nous avons eu le privilège d’être guidés par le propriétaire des lieux, M. Le Maire de Ballancourt, descendant des BOURBON BUSSET. Cette visite vivante concluait remarquablement une journée aux multiples facettes.

     C’est un sentiment de nostalgie que nous avons ressenti le 1er décembre à Argenteuil lorsque M.et Mme PEDOTTI, tout en nous peaufinant l’Histoire de la ville, ont évoqué ses cultures maraichères, fruitières et viticoles aujourd’hui disparues. Culture de la figue dont ils ont particulièrement bien détaillé le mode de fécondation entomophile, processus naturel, auquel s’ajoute une délicate technique de lutte contre le gel ; Culture des asperges connues jusqu’en Amérique ; Culture de la vigne et son vin populaire le Picolo.

     Considérant les deux excursions que je viens d’évoquer, il est aisé de voir que leur intérêt et leur succès tiennent essentiellement aux investigations méthodiques et approfondies, menées au préalable par leurs directeurs soucieux de la pluridisciplinarité, à laquelle nous nous attachons depuis longtemps. A nous tous de maintenir bien vivante cette dynamique de mémoire, de recherche et de réflexion par des efforts renouvelés de présence, de persévérance et de recrutement. Ce sont là autant d’encouragements envers les dévoués collègues qui animent nos activités, pour la connaissance de l’Histoire naturelle, et l’essor des Naturalistes Parisiens.