LES NATURALISTES PARISIENS

Chers collègues et amis,

          Au cours de l’année 2015 nous avons effectué 40 excursions, dont un voyage de 4 jours, 3 visites, écouté 3 conférences, participé à une séance de communications et une séance de présentations libres. Ce qui représente au total 51 journées d’activités.

     C’est avec la disposition particulière de la Région Parisienne, relative à ses différents substrats que je vous présenterai ce bilan d’activités, en faisant apparaître autant que possible, les principales formations géologiques qui ont fait naître les différents milieux, structurent nos paysages d’une manière contrastée, que nous avons parcourus chaque semaine avec le même intérêt tout au long de l’année écoulée.

      Déjà le 1er février Christian Bock avait initialisé cette lecture de paysages à travers sa remarquable conférence sur « Les plantes et le calcaire », notion essentielle que nous avons retrouvée au cours de nos excursions.

     Ce sont les formations stampiennes qui orientent souvent le support de nos excursions, car ce sont les plus étendues à proximité de Paris. Elles offrent une grande diversité lithologique et édaphique : Calcaire d’Etampes meuliérisé ou non, Sables de Fontainebleau calcarifères ou non, Calcaire de Brie meuliérisé ou non.

    Commençons si vous le voulez bien par le Stampien Supérieur et les calcaires qui le dominent. Ainsi dans le secteur le plus méridional à Malesherbes le 14 juin, sous la conduite de M. et Mme Pedotti, avons-nous prospecté plusieurs milieux. Sur la butte marno-calcaire de Chateaugay, structurée par le Calcaire de Pithiviers et la Molasse du Gâtinais, nous avons noté Valerianella eriocarpa des moissons calcaires ; Prunella laciniata, Lithospermum purpurocaeruleum et Berberis vulgaris dans les ourlets forestiers calcaires. Sur sables calcarifères Thalictrum minus subsp. saxatile et Sorbus aria en sous-bois, tandis que les pelouses plus ou moins ouvertes montraient Helianthemeum x sulphureum, Scabiosa ucranica et Erodium cicutarium subsp. bipinatum. Osmunda regalis dans les Grès de Fontainebleau à Buthiers. Enfin le marais alcalin de Buthiers à Cladium mariscus offrait un beau cortège de carex, C. nigra, C. hostiana, C. distans, assorti d’Oenanthe lachenali..

     A Darvault le 21 juin, guidés par Jean Luc Tasset, nous avons observé Aegilops geniculatum et Sedum rubens, Filago germanica, Bromus commutatus et Bromus arvensis dans les friches limoneuses. Puis dans les allées et ourlets de la chênaie pubescente sur calcaire d’Etampes, Genista pilosa, Cervaria rivini, Trifolium rubens, Carex montana, Thalictrum minus subsp saxatile et surtout Laserpitium latifolium subsp. asperum et Genista germanica. Sur une platière de grès le très rare Trifolium strictum, accompagné de Trifolium micranthum, T. striatum et T. scabrum, ainsi que de Juncus capitatus.

    Le 7 juin à Ormesson, avec M. Arluison nous vous avons montré dans une vaste friche sur Calcaire d’Etampes, Pilosella piloselloïdes subsp bauhinii, pionnière mésoxerophile abondamment fleurie. Pour l’atteindre nous étions passés auprès d’une mare sur grès, montrant Lemna minor en fleurs.

     En Forêt de Fontainebleau, à partir de Bois-le-Roi, le 2 août sous la conduite de Mmes Geliot et Perdereau, nous avons noté Fumana procumbens, Scabiosa canescens et Carex depauperata sur cailloutis des vallées sèches et Sables de Fontainebleau.

     Pour conclure cette revue à connotation thermophile, ajoutons que le 9 août dans la Vallée de la Juine, MM. Chabrier et Audubert nous ont fait voir Artemisia campestris sur sables calcaires. Journée au cours de laquelle nous sommes allés saluer le Falun d’Ormoy-la-Rivière, un des stratotypes du Stampien.

     Quittons le domaine du chêne pubescent, franchissons le front de meuliérisation au nord d’Etampes, pour nous retrouver dans le Hurepoix, sur les Argiles à Meulières de Montmorency, favorables à la chênaie sessiliflore.

     Dans la Haute Vallée de Chevreuse le 22 mars, avec Françoise Le Berre et Joël Pasco, nous avons noté Dryopteris affinis subsp. borreri en milieu acide, tandis qu’aux Sources de l’Yvette et au fond de sa vallée, Lathrea clandestina fleurie était l’attraction de la journée.

     Non loin de là, le 4 octobre autour des Etangs de Hollande, Jean Luc Tasset nous a guidés à travers une remarquable végétation hygrophile comprenant Bidens radiata, Hydrocotyle vulgaris, Veronica scutellata et beaucoup moins communes, Potentilla supina et Pilularia globulifera.

    Toujours dans ce secteur, après avoir mis en lumière l’exploitation des meulières, Patrick Martin le 18 octobre s’est attaché à nous faire découvrir le joli village de Gomez-le-Châtel et dans un cadre champêtre, le gracieux Viaduc des Fauvettes.

    Le Parc de Versailles est aménagé dans le « synclinal du Ru de Gally », que la majestueuse perspective du Grand Canal matérialise. Le 12 avril, Loïc Benard, Joëlle Bache et Jean Paul Chabrier nous ont montré Veronica filiformis, Ornithogalum umbellatum, Carex caryophyllea dans les pelouses et la rare Potentilla supina qui se maintient dans un biotope surprenant.

    Le 10 mai Joëlle Bache et René le Ruyet nous ont conduits à travers les trois parcs de La Vallée aux Loups environnant la Maison de Chateaubriand. Cet ensemble paisible repose sur les Sables de Fontainebleau et possède une importante collection d’arbres et d’arbustes.

     Montmorency, localité type des meulières du même nom, possède une forêt sur butte stampienne, que connaît bien notre ami Pierre Bonin qui, le 30 août n’a pas manqué de nous montrer Osmunda regalis et la myrtille, ainsi qu’Inula helenium.

     Le Stampien inférieur, structuré par le Plateau de Brie souvent meuliérisé, est très humide. Trois ensembles forestiers y prospérant ont été étudiés.

    Le 5 juillet dans la Forêt de Barbeau, Alain Lauron nous a piloté avec précision en direction de la remarquable Mare de l’Abîme, aux abords d’une tourbière acide, hébergeant Drosera rotondifolia, Eriophorum angustifolium, Menyanthes trifoliata et Sphagnum fimbriatum abondamment fructifié.

     Le 12 juillet dans la Forêt d’Armainvillers, avec Mme Tanaskovic et M. Le Ruyet, nous avons noté Senecio aquaticus, Carex rostrata, Blechnum spicant et Hypericum maculatum subsp obtusiusculum.

        Notre ami accompagna également M. Chabrier le 27 septembre dans le bois des Courtilleraies, où nous avons retrouvé Gentiana pneumonanthe en fleur, Laserpitium latifolium subsp. asperum et Sedum rubens.

     Le Bartonien est dominé structuralement par le Calcaire de St Ouen. L’excursion dirigée par Françoise Le Berre et Guillaume Douault s’est déroulée le 28 juin sur le flanc nord de la Vallée de la Marne à Nanteuil. Nous en retiendrons Althea hirsuta messicole relictuelle calcicole, Potamogetum perfoliatus et Ranunculus circinatus dans la Marne, ainsi que Dichoropetalum carvifolia habituel dans cette grande vallée. La découverte de l’Allium scorodoprasum, dans une petite pelouse de pente marneuse, qu’ont bien voulu épargner les viticulteurs de Champagne, fut un grand moment d’enthousiasme.

     Durant la journée du 11 octobre organisée par MM. Boivin et Bonin à La Frette-sur-Seine, nous avons observé Artemisia verlotiorum, avant d’examiner le Marinesien de la belle coupe géologique dans la descente vers la Seine, agrémenté d’un parcours riche d’illustrations impressionnistes.

      Le 6 septembre Yvan Bultel, Joëlle Bache et Antoine Monaque devaient nous conduire à Nogent-l’Artaud. Devant l’impossibilité imprévisible de s’y rendre, Mme Barberis proposa une excursion de substitution au pied levé à St-Martin-du-tertre. Cette initiative est un exemple de la conduite à tenir en cas de défaillance de la SNCF.

       Le Lutetien est probablement l’étage le plus prestigieux du Bassin de Paris. Son impressionnant Calcaire Grossier accueille une belle flore calciphile.

       Le 31 mai sur les coteaux calcaires de Limay face à la Seine, avec Jean Luc Tasset nous avons noté Astragalus monspessulanus, Euphorbia seguieriana et Vulpia unilateralis en bordure de terrains agricoles, Carduus pycnocephalus et dans le village Polypogon viridis.

      Sur les Sables de Cuise de l’Ypresien humide nous avons prospecté le Marais de Stors le 23 aout, sous la conduite de Guillaume Douault. Un beau cortège de plantes hygrophiles telles que Thelypteris palustris, Samolus valerandi, Lysimachia tenella et Berula erecta accompagnaient le rare Carex mairei, tandis que sur le Calcaire Lutetien dominant le marais, prospérait Ononis pusilla.

      Avec la craie on entre dans les terrains de l’ère secondaire du Bassin Parisien. Elle affleure la plupart du temps aux confins de l’Ile-de-France.

      Certaines incompatibilités d’itinéraire nous amènent parfois à modifier l’excursion d’une manière heureuse. Ainsi le 25 octobre à Vernon, l’accès difficile dans la Forêt de Bizy a obligé Mme Tanaskovic et moi, à nous orienter vers les falaises du Santonien Coniacien, structurées par la célèbre Pierre de Vernon. Anemone pulsatilla, Hieracium umbellatum, Carlina vulgaris, Seseli montanum, Seseli libanotis et Fumana procumbens firent la joie des excursionnistes.

      L’excursion lichénologique du 15 mars dirigée par Françoise guilloux et Gabriel Carlier avait pour objectif l’étude du Rocher de Samoreau, issu de la grésification siliceuse des Sables de Fontainebleau. De nombreuses espèces lichéniques ont été recensées malgré la régression de la lichénoflore en ce lieu, au profit des bryophytes.

         La bryologie s’effectue préférentiellement dans des milieux acides. Trois excursions ont été conduites par Michel Arluison et moi-même, avec la participation de Jean Giraud, dont une des plus marquantes s'est déroulée le 22 novembre dans les prestigieux Vaux de Cernay, haut lieu de la bryologie en Ile-de-France. Au cœur du Hurepoix gréseux, nous vous avons monté Porella cordeana dans les cascades et sur les flancs de la vallée Jamesoniella autumnalis.

     Le 4 octobre dans les fossés argileux du Perray-en-Yvelines, nous avons observé Solenostoma crenulatum.

     Nowellia curvifolia, hépatique rare, manifestement en pleine expansion, prospérait abondamment le 29 novembre au pied du Mont Pierreux, le 7 juin à Ormesson et le 5 juillet dans la Forêt de Barbeau.

     De nombreuses excursions mycologiques ont été programmées cette année à l’initiative de nos mycologues MM. Lauron, Chabrier, Champagne, Meral et Mme Tanaskovic. Parmi les capricieuses récoltes, parfois abondantes mais imprévisibles, nous avons retenu quelques espèces remarquables telles que Botryosphaeria visci, Transchelia fusca, Urocystis anemones, Uromyces scutellatus et Endophyllum euphorbiae, espèces discrètes récoltées sur phanérogames le 19 avril en Forêt de Senlis ; Le 11 novembre Calvatia excipuliformis dans la Forêt de St-Germain et le 27 septembre dans le Bois des Coutilleraies la rare et succulente Amanite des Césars.

     Les excursions zoologiques ont débuté le 1er mars à Créteil autour du lac, où Yann Rohrhurst nous a fait observer de nombreuses espèces d’oiseaux.

     La journée du 5 avril conduite par notre Présidente Geneviève Pedotti et celle du 17 mai dirigée par François Meunier et Guillaume Douault, avaient pour but de nous familiariser avec la systématique animale. Elles ont été particulièrement suivies. La première a permis d’illustrer le vaste éventail des taxons aquatiques, des Spongiaires aux Arthropodes et aux téléostéens. Au cours de la seconde, la faune forestière a trouvé son point d’orgue dans le ballet des Cerambyx scopoli, in copula sur les sureaux en fleurs.

     Beaucoup d’observations zoologiques intéressantes ont été faites au gré d’autres itinéraires. Nous avons ainsi vu le 14 juin dans une friche ensoleillée l’Ascalaphe Libelluloïdes longicornis, que l’on rencontre exceptionnellement; Le 28 juin à Nanteuil la nymphalidae Apatura ilia et Sesia apiformis ; Le 12 juillet à Armainvillers Araneus angulatus et Typhoeus typhoeus ; Le 2 août à Fontainebleau le lépidoptère Boloria Selena et le longicorne Prionus coriarius ; Enfin le 9 août dans la Vallée de la Juine la rare couleuvre Coronella austriaca.

     La remarquable conférence de M. Clement sur le Coelacanthe le 8 février, a suscité une écoute attentive de la part des naturalistes, particulièrement réceptifs à un passionnant exposé d’anatomophysiologie sur cet ancestral et relictuel animal aquatique.

     De même la conférence de M. Sanchez le 8 mars, jour de notre Assemblée Générale, sur les Poissons-chats hématophages d’Amazonie a retenu toute l’attention de nos collègues, soulignant ainsi tout l’intérêt que nous portons à l’Ichtyologie dans tous ses aspects.

     La visite de l’Aquarium le 5 décembre conduite par François Meunier compléta d’une manière vivante ces exposés, irremplaçables outils de la transmission du savoir.

     L’Histoire, à travers les activités humaines et ses ouvrages, vient compléter d’une façon indispensable nos observations de terrain. Elle est souvent le reflet de notre environnement naturel. C’est bien ce à quoi se sont appliqués, à nous faire sentir en s’appuyant sur d’exhaustives documentations, Sabine Beutin le 1er mars à Créteil, Pierre Bonin et Alain de Guerra le 26 avril à Melun, Sylvie Beaudouin et Jean Paul Chabrier le 26 juillet à Conflans-Ste-Honorine, ainsi que Mme Pedotti le 13 décembre sur la Coulée Verte de Paris.

     Cette année, M. Sagon et Mme Rigade ont apporté un éclairage particulier à nos excursions géologiques, à travers leurs nombreuses interventions et par leur présence souvent hebdomadaire. Le 19 juillet en Forêt de Sénart, dans un parcours détaillé, nous avons étudié les formations stampiennes et les Cailloutis de Sénart qui les surmontent, avec des données précises et des commentaires rigoureux. Toujours en leur compagnie le 29 novembre, à la limite septentrionale de la Forêt de Montceaux, nous avons examiné deux affleurements, ce qui dans le Bassin de Paris devient de plus en plus difficile ; D’abord dans le Calcaire Lutétien, ensuite dans les Sables Auversiens. Les abondantes récoltes de tests coquillers donnent toujours une dimension supplémentaire à l’analyse stratigraphique. S’en sont suivis d’excellents comptes rendus, pertinents et complets, à multiples facettes culturelles, richement illustrés et méritant publication dans notre bulletin.

     Cette année encore, l’excursion de Médard Thiry le 15 novembre à Montigny-sur-Loing, fut largement suivie. Ce fut l’occasion pour notre savant ami de préciser les conditions hydrodynamiques qui ont prévalu au Quaternaire à l’élaboration des calcites bien connues des Bellifontains. Se développant au sein de la nappe des Sables de Fontainebleau par mise en place de thermokarsts, elles traduisent le rôle capital de la géochimie dans l’élaboration de nos paysages.

     Les Naturalistes Parisiens ont visité pour la 1ère fois le 8 novembre avec Mme Pedotti le Tunnel de Chalifert, pour tenter d’y observer le fameux passage latéral entre les deux faciès du Bartonien, le Calcaire de Champigny au sud et le gypse au nord. Souvent évoqué dans les ouvrages et bien qu’il ne soit pas présent à cet endroit précis, il n’en demeure pas moins l’illustration parfaite de la datation des formations du Bassin de Paris, selon les principes formulés au début du XIXème Siècle.

     Avant de conclure je tiens à remercier notre Président honoraire M. Dupuis, notre Présidente Mme Pedotti, MM. Meunier, Konrat, Bonin, Boivin, Bultel, Mlle Chesnoy, Mme Perdereau, Mme Ray, ainsi que tous ceux qui prennent part au bon fonctionnement de l’association.

         A travers l’exposé que je viens de vous présenter, vous avez pu sentir l’importance de la géologie, en particulier dans notre Région Parisienne. Dans un instant M. Gely nous entretiendra de la coupe actualisée du Bassin Parisien. Nous sommes particulièrement sensibles à ce qu’il puisse réaliser cette présentation fondamentale en ce jour d’Assemblée Générale de notre Association. La Géologie n’est pas seulement un outil scientifique dont le maniement s’acquiert à force de travail, elle permet de saisir bien des choses telles que L’Histoire, la Culture ou l’Art. A la Pentecôte nous avons parcouru la région de Limoges en compagnie de Jean Paul Sagon et Guillaume Douault. Il en résulte que l’étude du socle limousin nous a fait prendre conscience plus que jamais de la continuité entre l’histoire géologique et celles des hommes, comme nous l’a si bien montré Anne Rigade durant ces quatre journées, à travers ses remarquables exposés historiques. Des vertigineux clivages dans les schistes ardoisiers de Travassac, aux impactites du catastrophique Astroblème de Rochechouart, en passant par les éclogites témoins d’un intense métamorphisme, nous avons pu mesurer l’importance des phénomènes géodynamiques qui se sont produits dans cette province. Chacun sut se passionner tant autour du mythique gisement aurifère du Bourneix, qu’à travers les batées alluvionnaires à la recherche obstinée des grenats. Mais c’est surtout autour du kaolin que l’histoire régionale de Limoges, de réputation universelle, s’est cristallisée. Roche dont la couleur est l’expression des fameux Blancs de Limoges, qu’un porcelainier présentait ainsi : « Le blanc n’est pas seulement notre luxe, il est encore notre honneur, l’obtenir superbe n’est pas affaire de vanité, c’est une question de conscience (et en matière de conscience on ne saurait avoir trop de délicatesse) », (on pourrait même ajouter « de persévérance »). Cette exigence de perfection doit immanquablement conduire chaque naturaliste à s’intéresser à tout ce qu’il rencontre, dans chacune des activités indéfectiblement variées de notre Association.